"Les produits spécifiques deviennent de plus en plus importants pour les concepteurs de systèmes embarqués"

Advantech DMS

Advantech, connu en tant que fournisseur de PC industriels et d'applications pour l'informatique embarquée, a élargi depuis quelques années son offre à travers la fourniture de solutions complètes spécifiques à un utilisateur. Cette activité est gérée en Europe à partir d’un centre de conception basé à Munich. Peter Marek, le directeur de ce centre européen d'ingénierie, explique ici les enjeux du DMS - Design Manufacturing Service - chez Advantech. ...

Pourquoi la société Advantech investit-elle actuellement dans la fourniture de solutions complètes spécifiques à un utilisateur ?

PETER MAREK Tout d'abord, je tiens à souligner qu'Advantech propose depuis longtemps des applications spécifiques, bien que cet aspect de notre savoir-faire n’est pas très connu. Ce qui a changé, c'est que nous cherchons à nous rapprocher physiquement de nos clients. En Europe, cette stratégie a été lancée il y a environ deux ans avec la création d’un centre de compétence et de développement à Munich. A travers cet investissement, nous avons souhaité donner au thème de la personnalisation - ou DMS pour Design and Manufacturing Service - plus de visibilité en Europe. Ces ventes dans le domaine DMS sont réparties sur de nombreux secteurs, bien que certains domaines d'activité, comme les télécommunications ou le médical, sont actuellement les plus demandeurs de ce type d’approche.

La division Advantech DMS étant active dans tous les secteurs justement, n'y a-t-il pas de conflits avec les produits standard ?

PETER MAREK Au contraire ! La division DMS dispose de l'ensemble du portefeuille de produits d’Advantech, ce qui signifie que nous pouvons toujours choisir le meilleur “point de départ” pour une conception spécifique aux utilisateurs. Pour ces derniers, cela signifie des avantages au niveau des temps de développement, des coûts et des risques. Parallèlement, nous sommes un partenaire stratégique de nombreux fabricants de processeurs et de puces-systèmes (SoC). Ce qui nous assure une forme d’indépendance sur le choix de la plate-forme (le facteur de forme notamment) et sur l'architecture CPU.

Dans ce contexte, considérez-vous les bureaux d’étude ou les sous-traitants qui développent sur mesure comme des concurrents ?

PETER MAREK Bien entendu, ces entreprises jouent un rôle dans le domaine des applications spécifiques aux clients. Les prestataires de services de développement sont souvent géographiquement plus proches du client, ce qui crée un lien étroit. Mais leur modèle économique signifie inévitablement qu'un fournisseur de services ne développe que ce que le client demande, ce qui conduit parfois à négliger les investissements dans les nouvelles technologies. Et de fait, un utilisateur ne va pas bénéficier entièrement des investissements du partenaire, ce qui limite le pouvoir d'innovation.

Dans ce cadre concurrentiel, on voit aussi que de nombreux sous-traitants commencent à proposer des services de développement. Certains développent même leurs propres designs de référence. Cependant, généralement, ces plates-formes ne sont pas introduites massivement sur le marché et sont confrontées à des cas d’usage réels très divers. En conséquence, il y a parfois un manque d'expérience non seulement dans le développement et la fabrication de produits, mais aussi dans leur accompagnement tout au long de leur cycle de vie. C'est à ce niveau qu’Advantech se différencie. La combinaison d'un développement de produits de base standard solides et d'un support produit tout au long de leur cycle de vie amène à ce que nous appelons les “services de conception et de fabrication”. En d’autres termes nous proposons aux utilisateurs une valeur ajoutée durable et les aidons à étendre leur position sur le marché, ce qui dans un cercle vertueux nous profite également.

Quel rôle le centre de compétence de Münich joue-t-il à cet égard ?

PETER MAREK Nous développons des produits standard en Europe depuis un certain temps. Nous avons maintenant notre propre équipe de développement DMS au centre de développement de Munich. Travaillant en étroite collaboration avec plus de 20 responsables de programmes et chefs de projet à travers l'Europe, nos développeurs répondent localement aux exigences des clients. À Munich, nous proposons le développement de matériels, y compris le Bios et le firmware. Nous proposons également le développement de logiciels, principalement pour Linux et Android. Nous gérons enfin la conception complète du système avec des spécialistes dans les domaines de la construction, de la gestion thermique, de la validation et de la certification.

Comment l'équipe de Munich travaille-t-elle avec leurs collègues à Taïwan ? Est-il difficile d'apporter le savoir-faire des produits d'Asie vers l'Europe ?

PETER MAREK C'est un aspect important auquel nous accordons beaucoup d'attention. Le transfert de connaissances fonctionne sans heurts qu'à la condition que les processus et les outils de développement soient alignés - une exigence de base que nous avons mise en œuvre. Car les connaissances doivent être aussi construites et développées localement. C'est pourquoi nous entretenons des relations stratégiques très étroites en Europe avec nos partenaires de l'industrie des semi-conducteurs. Nous veillons également à ce que notre équipe locale soit toujours informée des derniers développements de l'entreprise. Nos développeurs locaux voient donc très en amont des échantillons de produits en provenance de Taïwan et ont la possibilité de les tester en profondeur. Leurs commentaires sont reccueillis par leurs collègues taïwanais, ce qui signifie que les exigences du marché et les attentes de l'Europe sont plus fortement intégrées dans le processus de développement. Le développement de produits standard et les conceptions spécifiques au client fonctionnent donc ensemble.

De ce fait, ne serait-il pas plus facile d'implémenter immédiatement des produits spécifiques dans les départements produits standard ?

PETER MAREK Certains concurrents adoptent cette approche. Cependant, nous avons délibérément décidé de ne pas le faire. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, les feuilles de route des produits standard sont axées sur la technologie et le marché. De nouvelles plateformes doivent être introduites le plus rapidement possible, conformément aux exigences du marché cible. De nombreux clients qui utilisent nos produits standard en dépendent.

En revanche, les projets DMS sont axés sur le client. Toutes les exigences sont optimisées pour un seul client. Ces différentes approches impliquent un conflit qui peut parfois être résolu simplement avec des ajustements mineurs au sein des départements qui développent des produits standard. Cependant, plus les ajustements sont étendus et spécifiques, moins le modèle consistant à mélanger développement standard et développement spécifique dans un même service est efficace. Ce qui conduit à deux scénarios potentiels : soit trop peu d'attention est accordée au client DMS, soit le développement de produits standard souffre du déplacement en priorité vers le projet client. Dans ce dernier cas, tôt ou tard, notre avance sur le marché des produits standard s'effondrera. L'orientation dans les domaines des produits standard et DMS est donc très différente. Dans le domaine des produits standard, il s'agit de mettre en balance différentes exigences afin de définir le meilleur produit et de le mettre sur le marché. Les exigences introduites trop tard dans le processus sont rarement adoptées. De l’autre côté les DMS commencent par mettre en œuvre les exigences d'un utilisateur individuel aussi efficacement que possible. Si ce dernier ajoute de nouvelles exigences ou des modifications, nous devons réagir de manière flexible – c'est extrêmement important.

Cela signifie-t-il que l'équipe de Munich n'est qu'une extension de l'équipe de Taïwan ?

PETER MAREK L'équipe de Munich est bien plus qu'une simple équipe de gestion de projets. Cependant, nous utilisons nos ressources locales de manière très spécifique. Il doit y avoir une valeur ajoutée claire pour le client. Par exemple, en phase conceptuelle avec le design des cartes nous pouvons fournir à un client un modèle 3D de l'assemblage. De cette façon, nous pouvons vérifier en amont du projet si la carte peut s’intégrer dans le système final, si les longueurs de câbles conviennent, etc. Nous pouvons également créer des simulations thermiques au niveau du système. La coconception mécanique/thermique permet d'identifier et d'éviter les difficultés en amont.

Finalement, comment définiriez-vous l’approche DMS ?

PETER MAREK Il est important d'orienter un projet dans la bonne direction et de le gérer de manière cohérente. Nous accordons une grande importance à la combinaison de produits standard dans des applications spécifiques au client. Par exemple, une carte informatique pourrait être intégrée dans un boîtier spécifique au client avec ou sans adaptation de la configuration et/ou du Bios – avec d'autres périphériques. Le système de refroidissement est ensuite développé, accompagné de modifications ad hoc puis transféré en production en série. Bien sûr, nous pouvons dans le même temps adapter et étendre les packages de support de carte (BSP) ou intégrer du middleware tels que des piles de médias et des packages d'IA. Nous combinons souvent plusieurs produits standard Advantech tels que des cartes mères avec nos propres modules mémoire, SSD, interfaces sans fil ou écrans. Cela se traduit souvent par des plates-formes complètement nouvelles qui sont meilleures que la somme de leurs parties individuelles.

Propos recueillis par François Gauthier