Hap2U apporte aux interfaces tactiles la sensation des reliefs et des textures

Hap2u

Fruit d’une recherche académique de plus de dix ans, la technologie proposée par la jeune société grenobloise Hap2U ouvre un vaste champ d’application encore à défricher pour des interactions enrichies avec un écran tactile. ...

« Quant on parle de réalité augmentée, on pense aux sons ou aux images 3D, mais on oublie souvent un sens, celui du toucher », note Cédrick Chappaz, le fondateur de la jeune société Hap2U qui se lance sur l’industrialisation et une prochaine commercialisation de sa technologie innovante d’enrichissement des sensations du toucher pour dalle tactile, quelle qu'ele soit. « A l’heure actuelle, cette partie tactile que l’on trouve au quotidien sur les tablettes et les smartphones demeure relativement “simple” alors que le toucher est un sens très riche, très fin, et souvent privilégié par l’homme dans sa relation avec le monde extérieur », poursuit le créateur de la start-up.

Cédrick Chappaz, fondateur de Hap2U

Fondée en 2015 et primée cette même année lors du Forum 5i qui se déroule tous les ans à Grenoble, la jeune pousse Hap2U est actuellement hébergée au sein du CIME-Nanotech (Centre interuniversitaire de microélectronique et nanotechnologies) de la capitale dauphinoise. Elle se propose donc de modifier la manière dont on interagit avec une interface tactile. Comment ? En apportant la sensation de relief lors du toucher grâce à une technologie originale de retour haptique (une force de faible intensité qui “s’oppose” à la sensation de toucher dans la continuité du doigt sur l’écran). Son approche est basée sur la génération, sous la surface de verre de l’interface tactile, d’une microvibration créée par des ondes ultrasoniques à haute fréquence (supérieure à 20 kHz) et à faible amplitude. Avec ce procédé, le doigt, au lieu de “sentir” un contact perpétuel avec l’interface, ressent de manière transitoire une interruption du contact. « En termes imagés, le doigt fait de minuscules petits bonds à haute fréquence, donnant la sensation à l’utilisateur de toucher, via cette friction, quelque chose de différent et que le cerveau interprète alors comme une texture ou une illusion de relief », explique Cédrick Chappaz.

En phase de prototypage

Concrètement, dans le prototype actuel, l’interface tactile est équipée en périphérie d’actionneurs (de petits circuits discrets) qui sont collés sous la dalle de verre et qui donnent une impulsion mécanique à partir d’un signal électrique, de manière synchronisée, via un microcontrôleur (un STM32 de STMicroelectronics en l'occurrence). Pour des écrans de 5 pouces, il faut environ dix actionneurs. Pour des écrans 10 pouces, 15 suffisent car il n’y a pas de proportionnalité directe. Mais à terme l’objectif de Hap2U est d’industrialiser cette approche, désormais validée et dûment expérimentée, en utilisant une technologie en couches minces dite “smartpiézo”, i.e. à base de matériaux piézoélectriques en couches minces, intégrée directement dans la dalle au moment de sa fabrication. On aura alors, sous la dalle de verre et les couches conductrices et isolantes d’un système tactile classique, une couche spécifique dédiée aux actionneurs piézoélectriques.

Pour parvenir à ce stade d’intégration, Hap2U doit aussi développer des drivers sous forme de composants discrets spéciaux, dont le rôle est d’alimenter correctement les actionneurs piézoélectriques qui ont une fréquence de travail spécifique de plusieurs dizaines de kHz (contre quelques centaines de Hz pour des technologies haptiques traditionnelles). C’est cette dalle équipée qui sera commercialisée en 2017.

Pour la programmation de l’ensemble, une API a été développée par Hap2U pour personnaliser chaque cas d’usage. Pour une molette, sera ajoutée une sensation produite par le toucher de ce bouton, pour une molette de coffre-fort un cliquetis, idem pour un curseur, pour des bords de fenêtres d’application avec un effet relief. Avec ce dispositif, on notera que la partie transparente de la dalle le reste, et que rien ne vient masquer l'affichage des images.

Afin de populariser son concept et créer une communauté de développeurs, Hap2U va délivrer avant la fin de l’année, à destination des industriels, un kit de conception matériel/logiciel complet dont la vocation est de favoriser et d’imaginer de nouvelles formes d’interactions haptiques avec l’écran. Un domaine encore largement à défricher mais qui représente un potentiel d’application extrêmement étendu : sites de vente en ligne (pour la texture des vêtements), jeux, domotique, aide aux personnes malvoyantes, interfaces de gestion de l’habitacle des automobiles autonomes de demain, postes de pilotage industriels dotés de fonctions de sécurité, bornes interactives de paiement, etc.

Maturer dans un projet piloté par Minalogic

Fruit d'une collaboration initiale entre STMicroelectronics, le CEA et l'USTL (Université des sciences et technologies de Lille), la technologie exploitée par Hap2U a été maturée de 2012 à 2014 à travers un projet de R&D piloté par le pôle de compétitivité Minalogic (projet TOUCHIT) dont les objectifs étaient d’améliorer les performances en termes de consommation, de modéliser le comportement en vue d'une industrialisation, d’optimiser l'électronique de pilotage (avec la réalisation d'un driver ultracompact) et de valoriser les applications découlant de cette technologie. STMicroelectronics en était le chef de file pour la fabrication des composants électroniques et les autres partenaires en étaient EASii IC pour la conception de circuits intégrés, le CEA-Leti pour la fabrication d'actionneurs basse consommation, l’USTL pour la conception de solutions haptiques, le laboratoire TIMA (basé à Grenoble) pour la modélisation et la caractérisation mécanique de l’ensemble, l’Inria pour le développement d'algorithmes, AlphaUI pour l’intégration dans un clavier face-arrière et enfin Orange Labs pour des tests d'application embarquée.

Hap2U, qui comptera 6 collaborateurs à la fin 2016 et qui envisage une équipe de 12 personnes à l’horizon 2017, a déjà réalisé une première levée de fonds de 500 000 euros qui va lui permettre de développer le kit de prototypage et d'engager les travaux de miniaturisation des composants (le driver d’alimentation notamment). Reste que l’industrialisation complète de la technologie et la mise en place des actionneurs piézoélectriques en couches minces s'avèrent très lourdes (masques, tests des prototypes…). D’où la mise en place dans les mois qui viennent d’une seconde levée de fonds à plusieurs millions d’euros.

Quant aux marchés visés, c’est celui des interfaces industrielles pour postes opérateurs avec des enjeux de sécurité qui est une priorité pour Hap2U et qui devrait lui assurer sa croissance avant de passer à des marchés plus grand public.