Acklio veut réconcilier les protocoles IP avec les réseaux LPWAN pour objets connectés

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En proposant aux instances de normalisation de l’Internet une méthode innovante de compression/décompression des en-têtes IP/UDP pour des objets connectés via un réseau radio longue portée, la start-up Acklio pourrait révolutionner l’Internet des objets en procurant un lien naturel entre l’Internet tel qu’on le connaît et n’importe quel système connecté à un réseau LPWAN (Low Power Wide Area Network). ...

Le modèle de l’Internet tel qu’on le connaît, basé notamment sur la mise en œuvre du protocole IPv6, permet d’offrir théoriquement une adresse unique aux centaines de millions d’objets connectés sur la planète. Dans la réalité, cette technologie n’est pas ou mal adaptée aux réseaux IoT sans fil émergents LPWAN (Low Power Wide Area Network), comme ceux bâtis sur les procédés Sigfox ou LoRa et spécifiquement conçus pour la gestion de données issues de millions de capteurs à très faibles ressources matérielles (en termes de processeur, de batterie ou de mémoire). Pour s’adapter à cette situation, l’IETF (Internet Engineering Task Force), un groupe international qui participe à l'élaboration des standards Internet, a mis au point le protocole 6LoWPAN (IPv6 over LoW Power wireless Area Networks). Cette adaptation d’IPv6 définit notamment les mécanismes d'encapsulation et de compression d'en-têtes et permet aux paquets IPv6 d'être envoyés ou reçus via la technologie de communication radio IEEE 802.15.4. L'IETF a aussi élaboré le protocole associé CoAP (Constraint Application Protocol), très proche du modèle HTTP, qui favorise la continuité des requêtes entre l’Internet traditionnel et celui des objets, et qui permet d’utiliser un objet connecté en tant que serveur Web.

Anticiper la multiplication d'objets connnectés

« Mais comment ces réseaux vont-ils fonctionner avec la montée en puissance du nombre d’objets connectés ?, s’interroge Alexander Pelov, fondateur, avec Laurent Toutain, de la toute jeune société Acklio. Actuellement le coût de la communication par objet ne cesse de diminuer. Mais si la connexion à Internet n’est pas fluide et naturelle, le coût de gestion de ces objets ne va cesser d’augmenter. » Le décor est planté : le hiatus entre, d’un côté, les réseaux longue portée et basse consommation, et, de l’autre, l’Internet classique et universellement utilisé, doit être réduit !

Les fondateurs de la start-up Acklio, avec Alexander Pelov et Laurent Toutain à droite

C’est l’objectif ambitieux que s’est assigné Acklio, issu d’un essaimage de l’Ecole d’ingénieurs Telecom Bretagne, et créé en mars 2016 par Alexander Pelov et Laurent Toutain, tous deux chercheurs au sein du laboratoire du département Réseaux, Sécurité et Multimédia de Telecom Bretagne, et spécialistes des réseaux IP. Comment ? En proposant une nouvelle technologie de compression des en-têtes IPv6/UDP baptisé SCHC (Static Context Header Compression) qui combine les avantages de la compression normalisée RoHC (Robust Header Compression), utilisée couramment sur les liaisons 4G, et les caractéristiques du protocole 6LoWPAN. Il s’agit ici de tenir compte du “contexte statique” des objets connectés, pour réduire drastiquement le nombre d’octets nécessaires pour définir des en-têtes IPv6/UDP. Une nécessité lorsque l’on sait qu’un message Sigfox ou LoRa ne compte que quelques octets (12 pour un message Sigfox par exemple) pour transporter l’information issue d’un capteur.

Standardisation IETF en cours

Le travail de standardisation de cette approche, jugée mature par ses concepteurs, est en cours au sein de l’IETF. « Une réunion cruciale va avoir lieu sur ce sujet à Berlin ce mois-ci, précise Alexander Pelov. Car notre approche rencontre un succès très important auprès de la communauté, à tel point que nous avons été sollicité par le 3GPP qui souhaite intégrer notre technologie dans sa feuille de route. Et ce après les annonces officielles qui vont dans le même sens de la part de Sigfox, de la LoRa Alliance et de l'organisme Wi-SUN, qui travaille sur des réseaux dédiés au monde de l’énergie s’appuyant sur le standard 802.15.4g. »

C’est d’ailleurs autour des applications liées à la ville intelligente et à la gestion de l’énergie que cette approche a été testée à Rennes dans la cadre du projet LoRa FABIAN (Long Range for a Beautiful Internet Advanced Network). Un projet soutenu par TDF qui a défini un prototype de système connecté, sans fil et open source, qui assure une connexion radio pour objets connectés et disséminés dans une ville. Le projet a notamment été mené avec la société Kerlink, qui a mis à disposition des bornes radio LoRa, la start-up Wi6Labs, qui a fourni des modules d’extension Arduino spécialement adaptés, et le Lab Fab de Rennes, qui héberge les expérimentations des utilisateurs pour créer des objets connectés. Cette architecture de réseau qui s’appuie sur le protocole CoAP permet la coexistence de réseaux décentralisés ou centralisés, nécessaires au déploiement de l’Internet des objets, tout en étant pleinement intégrés à l’Internet traditionnel.

 

Prenant appui sur cette expertise pointue, Acklio a déposé des brevets sur l’intégration de la technologie de compression/décompression des en-têtes IP/UDP (qui sera libre d’accès) au cœur d’un serveur de gestion d’objets reliés à un réseau LoRa. C’est cette architecture, avec un logiciel embarqué qui allie intiment le protocole LoRa et l’accès immédiat aux objets via Internet, qu’Acklio commercialisera dans les prochains mois. La société, qui se trouve au cœur d’un enjeu majeur, compte se développer très rapidement pour atteindre au début de l’année prochaine un effectif d’une vingtaine de collaborateurs. Elle a entamé dans le même temps une recherche active de fonds pour se déployer à l’international.