"Les calculateurs embarqués de petite taille envahissent le marché mil/aéro"

L'embarqué Tribune

[TRIBUNE by Elie Gasnier, ECRIN SYSTEMS] Pour Elie Gasnier, vice-président marketing et business development chez Ecrin Systems, les systèmes distribués dits SFF (Small Form Factor) se généralisent et se répandent désormais dans nombre de systèmes militaires : drones, systèmes de défense sol-air, radars/sonars, guerre électronique… Pour cette électronique embarquée, les formats COM Express et VPX 3U sont les grands favoris pour être intégrés dans des boîtiers de plus en plus compacts au cours de la prochaine décade. ...

Les systèmes d’information des années 1990-2010 étaient conçus sur des architectures centralisées à base de cartes enfichables au format 6U sur des fonds de panier VME ou Compact PCI. Ils sont remplacés désormais sur les programmes de remise à niveau à mi-vie et dans les nouveaux porteurs par des systèmes distribués dits SFF (Small Form Factor) basés, la plupart du temps, autour du concept de module processeur COM Express. C’est déjà le cas dans les drones tactiques et les véhicules terrestres. Mais cette tendance lourde fait tâche d’huile notamment au sein des drones tactiques de type MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) et HALE (Haute Altitude Longue Endurance) et dans les hélicoptères d’attaque et de transport. Bientôt, ils seront intégrés dans les systèmes de défense sol-air, les radars/sonars et les équipements de guerre électronique en général.

On constate que toutes ces plates-formes mobiles ont besoin de charges utiles embarquées de plus en plus performantes et sophistiquées. Les réseaux de communication sécurisés internes et externes doivent être de plus en plus rapides avec des bandes passantes très élevées et des temps de latence minimum. Les systèmes de traitement du signal, les caméras vidéo HD-SDI ou 3G-SDI ont besoin d’une forte puissance de calcul pour traiter des flux d’informations de plus en plus gigantesques, digne du « Big Data », afin d’en extraire les seules informations utiles qui permettront aux centres de commandement de prendre très vite la bonne décision au bon endroit, au bon moment. Les calculateurs de mission militaire deviennent donc plus complexes à réaliser, avec en plus la nécessité de respecter des conditions d’environnement extrêmes, et des contraintes de taille, de poids, de consommation et de prix de plus en plus critiques. Le fameux acronyme SWaP-C (Size, Weight, Power and Cost) est désormais cher à toutes les applications militaires et aéronautiques.

Si les équipementiers sont à la recherche de SFF alliant petite taille et haute performance, ils veulent aussi s’affranchir de tous les problèmes liés à la dissipation thermique. Il existe à ce sujet une grande variété de systèmes SFF, supportés par plusieurs consortiums comme le PICMG et le Vita, d’obédience plutôt américaine, ou le SGeT, plutôt européen. Mais, à ce jour, aucun format de système ne se détache vraiment du lot. En sera-t-il autrement dans quelques années ? Rien de moins sûr tellement les applications sont variées et le spectre d’applications large. On peut comparer le prometteur marché des SFF dans le mil/aéro au phénoménal “Internet of Things” du marché grand public. Pourtant, au niveau de l’électronique embarquée dans les SFF, ce n’est pas prendre trop de risque en annonçant que les formats COM Express et VPX 3U sont les grands favoris pour être intégrés dans des boitiers de plus en plus petits au cours de la prochaine décade.

Les SFF inaugurent ainsi une nouvelle architecture système distribuée vers des nœuds de calcul dédiés, placés aux meilleurs endroits du mobile porteur. Pour acquérir les flots de données et réduire les goulots d’étranglement, les "front-end" d’acquisition, basés sur la technologie FPGA, seront placés au plus près de chaque capteur ou groupe de capteurs toujours plus performant en termes de dynamique (radar) ou de haute définition (vidéo en 1920 x 1080 pixels à 30 ou 60 Hz). Pour traiter ces informations, deux possibilités : soit de façon massivement parallèle avec des GPGPU dédiés, les données transitant sur des bus internes commutés ultrarapides (PCI Express 3.0) afin de fournir une information temps réel en réalité augmentée, soit en très léger différé par d’autres nœuds SFF de réseau intelligents via l'Ethernet Gigabit et/ou 10 Gigabit. Cette architecture répartie, en plus des avantages SWaP-C évoqués plus haut, permet d’augmenter la disponibilité du système complet d’information grâce à la suppression des “single points of failure” d’une architecture centralisée classique, de répartir la charge utile sur plusieurs calculateurs de mission en éliminant les points chauds des calculateurs centralisés qui doivent être conçus avec des systèmes de refroidissement de plus en plus complexes, coûteux (caloducs, circuits séparés d’eau…) et pénalisants en termes de poids, de volume et d’entretien.

A ce niveau, l’un des plus gros avantages du module processeur COM Express, utilisé dans le récent calculateur Onyx HD conçu par Ecrin pour la gestion des communications militaires (photo ci-contre), est sa capacité à évacuer les calories du boîtier dans lequel il est intégré. Le CPU et son chipset, et maintenant le SoC (System-on-Chip), placés sur le dessus du module peuvent évacuer les watts par des drains thermiques directement en contact avec le boîtier du calculateur qui sert ainsi de radiateur passif, lui-même refroidi extérieurement par la ventilation naturelle ou forcée des ailettes ou par une plaque froide rattachée au châssis métallique du véhicule qui sert aussi à refroidir le SFF. Une efficacité bien plus grande, comparée aux architectures VPX, VME ou CompactPCI qui doivent faire passer tous les watts à dissiper par le seul goulot d’étranglement des “wedge locks” entre les cartes et la carcasse mécanique du châssis.

Au-delà, le COM Express a d’autres avantages. La modularité de l’approche offre par exemple de grandes capacités de maintenabilité et de mise à jour. Cette flexibilité permet d’augmenter considérablement la durée de vie des SFF au-delà de 20 ans, si on prévoit des mises à niveau du produit tous les 7 à 8 ans afin de suivre les évolutions des processeurs imposées par la feuille de route des fabricants de puces, comme la division Embedded d’Intel. Ces évolutions se réaliseront sans changer la forme du boîtier, ni sa connectique externe. Seule une nouvelle compilation de l’application avec les drivers spécifiques au nouveau module processeur sera nécessaire, rarement plus. Un vrai respect de la technologie d’insertion, chère aux architectures distribuées !

Elie Gasnier, vice-président marketing et business development, Ecrin Systems