L’architecture de processeur open source RISC-V se muscle pour l’intelligence artificielle

[EDITION ABONNES] « Notre objectif est de faire du standard open source RISC-V l’architecture de processeur de choix pour les applications d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique les plus exigeantes, celles qui draineront l’innovation dans le domaine du calcul au cours de la prochaine décennie ». ...Par ces paroles, Dave Ditzel, le président et CEO de la jeune société Esperanto Technologies, créée en 2014, affiche clairement les ambitions de la start-up qui s’est donné pour objectif de lancer un supercalculateur sur une puce qui soit à la fois optimisé pour les calculs d’IA et particulièrement éco-efficace.

« En optant pour une gravure avancée en technologie Cmos 7 nm et grâce à la simplicité de l’architecture RISC-V, nous pouvons intégrer plus de 4 000 cœurs 64 bits dotés chacun d’un accélérateur vectoriel sur une puce unique, précise Dave Ditzel qui créa en 1995 la défunte société Transmeta, spécialiste des processeurs x86 à très faible consommation, et qui participa au développement de l’architecture Sparc chez Sun Microsystems (aujourd’hui Oracle). En faisant reposer notre circuit sur le standard open source RISC-V, nous pouvons tirer profit de l’écosystème en pleine explosion de systèmes d’exploitation, de compilateurs et d’applications adaptés à cette architecture. RISC-V s’avère si simple et si extensible que nous pouvons proposer des niveaux de performance de l’ordre du téraflops sans avoir besoin de recourir à des jeux d’instruction propriétaires, ce qui est aussi un gage de compatibilité logicielle. »

Pour rappel, l’architecture open source RISC-V définit un jeu d’instructions bâti sur les principes des architectures matérielles de processeurs Risc (Reduced Instruction Set Computer). Selon ses promoteurs, ses caractéristiques, doublées de ses capacités d’extension (avec des instructions d’unité de calcul en virgule flottante par exemple), la rendent adaptée aussi bien aux serveurs dans le cloud qu’aux terminaux mobiles ou aux systèmes embarqués les plus contraints. (Pour plus de détails, lire notre article Une alternative open source commence à briller au firmament des architectures de processeurs.) Un certain nombre de fabricants de semi-conducteurs ont d’ailleurs déjà adopté l’architecture RISC-V à l’instar des fournisseurs de composants programmables Microsemi et Lattice, de la jeune société SiFive (fondée par les créateurs de l’architecture RISC-V à l’université de Californie à Berkeley), des spécialistes des cœurs de microcontrôleurs embarqués Codasip, Cortus et Minima Processor, ou du fournisseur de cœurs de processeur Andes Technology.

Dans le détail, le supercalculateur sur une puce taillé pour l’intelligence artificielle d’Esperanto Technologies devrait intégrer 16 cœurs RISC-V 64 bits ET-Maxion dotés d’une performance de calcul monothread très élevée et 4 096 cœurs RISC-V ET-Minion avec unité de calcul en virgule flottante, caractérisés par leur éco-efficacité. On notera à cet égard que la jeune société compte aussi céder sous licence les cœurs ET-Maxion et ET-Minion « afin de contribuer à banaliser l’architecture RISC-V », explique la firme américaine.

Dans le cadre de son développement, Esperanto Technologies peut déjà compter sur le soutien de Western Digital qui s’est fendu d’une prise de participation stratégique dans le capital de la start-up. Un investissement dont le montant n’a pas été dévoilé mais qui n’est pas à proprement parler une surprise, le spécialiste du stockage étant l’un des membres fondateurs de la fondation RISC-V, créée en 2016 avec le soutien d’autres poids lourds comme Google, Hewlett Packard Enterprise (HPE), IBM, Microsoft ou Oracle.

De fait, Western Digital compte faire basculer à terme vers l’architecture RISC-V tous les cœurs, processeurs et contrôleurs que la société utilise. L’enjeu est de taille car la firme consomme plus d’un milliard de cœurs de processeur par an sur l’intégralité de son portefeuille de produits de stockage. Selon Western Digital, cette transition sera graduelle et, une fois terminée, c’est donc près de deux milliards de cœurs RISC-V qui devraient être écoulés sur le marché par an à travers les produits de la société américaine ! Western Digital s’implique parallèlement à optimiser la technologie RISC-V pour un usage dans les applications critiques afin qu’elle puisse être déployée sans problèmes dans ses sous-systèmes et équipements.

« Le mouvement open source a démontré que l’innovation est maximisée lorsqu’une large communauté de développeurs travaille sur un objectif commun, a précisé Martin Fink, CTO (Chief Technology Officer) de Western Digital dans un communiqué. C’est la raison pour laquelle nous fournissons à la communauté tous les développements que nous menons sur la logique RISC-V. Nous encourageons aussi une collaboration ouverte entre tous les membres de l’industrie, y compris nos clients et partenaires, afin que nos efforts soient amplifiés et accélérés. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que l’architecture RISC-V devienne la prochaine success story du monde open source comme Linux l'a été dans la décennie précédente. »