La voiture connectée et autonome s'ouvre à Qualcomm, Nvidia et Intel

[EDITION ABONNES] Alors que le marché automobile, les yeux fixés sur la voiture connectée et la conduite autonome, connaît une accélération jamais vue du rythme des innovations, les poids lourds des semi-conducteurs que sont Intel, Nvidia et Qualcomm (et dont le succès s’est construit ailleurs, dans l’informatique et la téléphonie mobile notamment) en profitent pour séduire constructeurs et équipementiers. Le salon CES 2017 qui s’est tenu début janvier, en a été le témoin. ...

L’édition 2017 du CES qui s’est tenue début janvier à Las Vegas a confirmé les formidables ambitions de Qualcomm et de Nvidia sur le marché émergent de la voiture connectée et autonome. Alors que Qualcomm avait clairement annoncé ses intentions en la matière il y a un an avec le lancement des Snapdragon 820A et 820Am (A pour Automotive), la firme américaine a pu cette année dévoiler les noms de quelques constructeurs automobiles séduits par son offre. Ainsi en est-il de Volkswagen qui devrait intégrer le processeur Snapdragon 820A au sein de futurs systèmes d’info-divertissement évolués et glisser les modems LTE Snapdragon X12 et X5 dans une prochaine génération de véhicules connectés et d’équipements télématiques. Les modèles Volkswagen embarquant le Snapdragon 820A sont attendus pour 2019 et ceux équipés des modems LTE de Qualcomm devraient voir le jour un an plus tôt.

Gravé en technologie FinFET 14nm, le SoC Snapdragon 820A à architecture hétérogène intègre un processeur quadricœur 64 bits à architecture ARM Kryo, une unité de traitement graphique Adreno 530, un DSP Hexagon 680 avec extensions vectorielles HVX (Hexagon Vector eXtensions), ainsi que l’unité de calcul neuronal Qualcomm Zeroth. Cette dernière est censée permettre aux constructeurs automobiles de développer des solutions d’apprentissage automatique "profond" à base de réseaux de neurones pour, en particulier, les fonctions évoluées d’assistance à la conduite (ADAS) et des scénarios d’info-divertissement au sein du véhicule, l’idée étant de pouvoir exécuter ces solutions de façon efficace sur des plates-formes embarquées dans les automobiles. Le modem LTE X12, quant à lui, est censé supporter des débits descendants de 600 Mbit/s (150 Mbit/s dans le sens montant) tandis que le modem LTE X5 se « limite » à 150 Mbit/s et 50 Mbit/s (LTE Category 4). Les deux modèles sont également compatibles avec les principaux standards cellulaires 2G/3G, intègrent un moteur de positionnement par satellite et s’articulent autour d’un processeur sous Linux cadencé à 1 GHz.

L’équipementier automobile Mitsubishi Electric a, lui aussi, cédé aux sirènes de Qualcomm. Annoncé sur le CES, le système d’info-divertissement embarqué FlexConnect AI du Japonais, doté en sus de fonctions d’assistance évoluée à la conduite (ADAS), s’appuie en effet sur le Snapdragon 820Am, une déclinaison du Snapdragon 820A qui embarque en sus un modem LTE intégré X12… Doté d’une interface utilisateur multi-écran, d’un environnement Android, de capacités de mises à jour over-the-air (OTA) et de liaisons Wi-Fi 802.11ac, Bluetooth et Bluetooth Low Energy, le produit de Mitsubishi permet notamment d’afficher des cartes météo et des points d’intérêt constamment calés sur le trajet du véhicule, de visualiser des commandes ADAS et d’exécuter aussi des applications connectées propres aux passagers du véhicule.

Enfin, du côté des annonces de produits, on notera que Qualcomm a dévoilé lors du CES 2017 une nouvelle variante de sa plate-forme de référence modulaire et multiprotocole dédiée à la connectivité des véhicules. Variante qui utilise le modem LTE Snapdragon X16 censé s’accommoder de débits descendants de l’ordre du gigabit par seconde ! Dévoilée en juin 2016, la Qualcomm Connected Car Reference Platform, c’est son nom, ne se déclinait à l’origine qu’avec les modèles LTE X12 et X5.

Censée faciliter la coexistence pacifique de multiples technologies radio (en particulier celles qui partagent les mêmes bandes de fréquence) et supporter un large éventail d’architectures matérielles embarquées dans les véhicules, elle associe un modem LTE, des solutions de géolocalisation par satellite (GNSS) et de localisation à l’estime 2D/3D (Dead Reckoning), des circuits Wi-Fi de la gamme Vive de Qualcomm, des fonctions Bluetooth et Bluetooth Low Energy ainsi que des circuits à radio logicielle de la gamme tuneX pour la réception de nombreux standards de diffusion audio. Le support optionnel des technologies V2X (802.11p ou Cellular-V2X) est également assuré. Côté interfaces vers le véhicule, la plate-forme dispose de connexions vers les réseaux Gigabit Ethernet (conformes au standard BroadR-Reach de l’Open Alliance), A2B (Automotive Audio Bus), LIN et CAN. Dans la pratique, la Qualcomm Connected Car Reference Platform équipée du modem LTE X16 (dont un module de référence ad hoc) sera disponible avant la mi-2017.

Nvidia séduit les équipementiers Bosch et ZF

De son côté, Nvidia, qui avait marqué l’édition 2016 du CES avec sa plate-forme de calcul pour voitures autopilotées Drive PX 2 (photo ci-contre), n’a pas lui non plus lésiné sur les annonces de partenariats. Ainsi l’équipementier européen ZF, numéro cinq du secteur, va-t-il utiliser le calculateur Drive PX 2 pour son système de conduite autonome ZF ProAI dont le lancement en production est prévu pour début 2018. Pour rappel, le calculateur Drive PX 2 (déjà mis en œuvre dans un modèle en production, la Tesla Model S) s’appuie sur un ou deux processeurs SoC de génération Parker, associés à des unités graphiques discrètes (GPU) à architecture Pascal, et s'avère capable de déployer une puissance de traitement de 24 000 milliards d’opérations d’apprentissage automatique par seconde. Une capacité d’apprentissage profond qui, selon Nvidia, permet de s’adapter rapidement aux défis de la conduite de tous les jours (présence de débris sur la route, pratique erratique de certains conducteurs, travaux sur la chaussée, etc.). Et qui permet aussi de répondre à des problématiques auxquelles les techniques traditionnelles de vision industrielle s’avèrent insuffisantes, notamment lorsque les conditions météo ou de luminosité sont difficiles (pluie, neige, brouillard, aube, crépuscule, nuit profonde…).

Le futur système de conduite autonome ZF ProAI de l’équipementier ZF compte en pratique utiliser la configuration AutoCruise de la plate-forme Nvidia pour équiper des véhicules autonomes, de la voiture de tourisme au poids lourd en passant par les engins industriels qui pullulent sur les chantiers et les entrepôts. Profitant des capacités d’apprentissage automatique et d’intelligence artificielle de la plate-forme Drive PX 2, le système de conduite autonome de ZF pourra aussi effectuer de la fusion de capteurs en étant capable de récupérer des signaux issus de caméras, de lidars, de radars et de capteurs à ultrasons. L’idée étant de fournir au véhicule une vision à 360° de l’environnement qui l’entoure, de le positionner sur une carte haute définition et de lui calculer un trajet sûr à travers la circulation.

Nvidia a également annoncé un accord de partenariat avec l’équipementier automobile Bosch, le numéro un du secteur, mais il faudra attendre le mois de mars et la conférence Bosch ConnectedWorld pour savoir comment la firme allemande compte mettre en œuvre la plate-forme Drive PX…

Un partenariat avec Audi et Mercedes

Dans le domaine de la voiture autonome, l’opération séduction de Nvidia a également réussi auprès des constructeurs automobiles eux-mêmes. Déjà engagé auprès de Tesla Motors, la société a pu, à l’occasion du CES 2017, mettre en avant son partenariat avec Audi dont l’objectif clairement annoncé est désormais de mettre sur les routes dès 2020 un véhicule 100% autonome doté de fonctions d’apprentissage automatique profond. En attendant, le constructeur allemand a pu montrer sur le salon un prototype d’Audi Q7 autopilotée équipée du calculateur Drive PX 2 et du logiciel DriveWorks de Nvidia. Le véhicule a mis en œuvre des réseaux de neurones profonds (Nvidia PilotNet en l’occurrence) pour appréhender en trois jours son environnement et réagir en conséquence en fonction de conditions changeantes.

Ajoutons que l’Américain collabore également avec Mercedes-Benz dans le domaine de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage profond, une collaboration qui devrait se concrétiser par le lancement d’un véhicule alimenté par la technologie Nvidia dans les douze prochains mois…

Intel et Samsung en embuscade

Qualcomm et Nvidia ne sont pas toutefois les seuls poids lourds issus de l’informatique et/ou de la téléphonie mobile à lorgner sur le marché de l’automobile au moment où celui-ci connaît une révolution avec la voiture connectée et la voiture autonome. Alors qu’en juillet 2016, Intel, BMW et Mobileye avaient dévoilé un vaste accord de coopération dans le domaine du véhicule autonome impliquant les trois sociétés, le numéro un des semi-conducteurs a en effet annoncé lors du CES 2017 sous le nom de GO des plates-formes de développement destinées aux équipements pour conduite automatisée, des systèmes d’assistance évoluée de type ADAS jusqu’aux véhicules 100% autonomes. Côté performances, ces plates-formes se déploieront soit autour de processeurs Atom 14 nm dédiés automobile, soit autour de processeurs multicœurs Xeon, tous épaulés, pour les traitements hautement parallèles, par des FPGA Arria 10 issus du rachat d’Altera (pour l’accélération matérielle de certaines fonctions et la flexibilité de programmation à la volée) et des accélérateurs matériels spécifiques dédiés notamment à l’exécution d’algorithmes tels que ceux mis en œuvre dans les domaines de la vision artificielle ou de l’apprentissage automatique. (Lire tous les détails dans notre article ici.) Nul doute que les plates-formes GO seront à l’œuvre dans les quelque quarante véhicules autonomes BMW qui seront lancés sur les routes au cours du second semestre 2017 dans le cadre de l’accord signé entre le constructeur automobile, Intel et Mobileye.

Enfin on n’oubliera pas Samsung qui compte lui aussi glisser ses processeurs Exynos dans l’automobile. A cet effet, le constructeur coréen vient d’annoncer sa participation au programme Audi Progressive SemiConductor (PSCP) afin de fournir ses SoC, bien connus sur le marché de la tééphonie mobile, dans les systèmes d'info-divertissement embarqués de prochaine génération du constructeur automobile. Gageons que ce n’est qu’une première étape pour le géant asiatique !