BeSpoon réduit la géolocalisation indoor à l'échelle d'une puce

Le français BeSpoon a élaboré un circuit intégré qui, une fois glissé dans un smartphone et dans un objet quelconque (clé, peluche, appareil électronique, etc.), permet de repérer ce dernier à quelques centimètres près, même à l’intérieur d’un lieu d’habitation ! La jeune pousse envisage de procéder d’ici au printemps prochain à une première levée de fonds de l’ordre de 10 millions de dollars, somme qui pourrait être consacrée au lancement de la production de sa puce. ...   Créée en 2010 mais jusqu’alors particulièrement discrète, la société française BeSpoon a réussi, en cette année 2013, à se positionner avec force sur les radars des fabricants de téléphones mobiles, toujours en quête de nouvelles caractéristiques différenciatrices pour leurs terminaux. Avec le concours du CEA-Léti, la jeune firme a réussi à développer un circuit intégré qui, une fois glissé dans un smartphone et dans un objet quelconque, permettra de repérer ce dernier à quelques centimètres près, même à l’intérieur d’un lieu d’habitation, là où les signaux GPS sont inopérants. Et, pour démontrer les capacités intrinsèques de leur technologie de géolocalisation, BeSpoon et le laboratoire grenoblois ont établi en avril 2013 un record du monde en la matière en réussissant à localiser un objet situé à… 3641 mètres de distance !   La géolocalisation indoor : le sujet chaud du moment   Les techniques de géolocalisation indoor n’ont rien d’anecdotique. Bien au contraire. Pour s’en convaincre, il suffit de constater l’agitation des poids lourds de la téléphonie mobile autour de cette question. Broadcom, CSR, Nokia, Qualcomm, Samsung et Sony ont ainsi créé en août 2012 l’alliance In-Location pour promouvoir l’usage de procédés de géolocalisation indoor basés sur des standards comme Bluetooth 4.0 ou Wi-Fi. Apple, de son côté, n’a pas hésité à débourser 20 millions de dollars en mars 2013 pour s’offrir une start-up dont l’insigne qualité était d’avoir élaboré une technologie permettant de positionner des smartphones dans un bâtiment à partir des signaux Wi-Fi reçus.   Jean-Marie André, cofondateur et CEO de BeSpoon   Reste qu’en termes de procédés de positionnement indoor, d’autres approches ont des atouts à faire valoir. Et l’ultra-large bande à impulsions radio (IR-UWB), reconnue pour ses caractéristiques de précision et de robustesse à l’intérieur des bâtiments, n’est pas la moindre d’entre elles. C’est justement ce procédé qu’a retenu BeSpoon(1). « La localisation à grande précision, soit moins de 10 centimètres dans des environnements indoor de 60 x 80 mètres, n’est pas encore vraiment adressée par les technologies courantes, note Jean-Marie André, cofondateur et CEO de BeSpoon. L’intérêt de l’UWB réside dans le fait que les impulsions radio générées sont extrêmement courtes, typiquement inférieures à deux nanosecondes. En mesurant le temps de vol d’une telle impulsion entre deux points donnés, il est possible de déterminer la distance entre ces deux points. Et, aujourd’hui, avec notre circuit, nous sommes capables de mesurer ce temps de vol avec une précision de 125 picosecondes, ce qui équivaut, en termes de distance, à 3,75 centimètres. »   Pause-café pour l'équipe de BeSpoon, installé sur les rives du lac du Bourget   Pour arriver à ses fins (le circuit de BeSpoon est fonctionnel depuis la fin 2012), la jeune société a su s’entourer de partenaires dotés de fortes compétences en radio ultra-large bande. Le Français a ainsi acquis certains brevets liés à la modulation UWB auprès du laboratoire IM2NP (Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence) et s’est rapproché dès 2009 du CEA-Léti alors que BeSpoon en était encore au stade de l’incubation. Le laboratoire du CEA s’était alors déjà forgé une expérience non négligeable dans les technologies ultra-large bande et leurs applications dans le domaine de la localisation. « Cette collaboration s’est concrétisée en juillet 2010 par la création d’un laboratoire commun à BeSpoon et au CEA-Léti, laboratoire qui compte une dizaine de personnes, précise Jean-Marie André. Nos travaux communs ont permis de dépasser deux limitations souvent associées au procédé IR-UWB : la difficulté à l’intégrer sur une seule puce, d'une part, et son champ d’action jusqu’ici considéré comme restreint, d'autre part. » Dans le cadre de ce partenariat, BeSpoon a pu apporter son savoir-faire en conception système, les fondateurs de la jeune pousse ayant créé au tout début des années 2000 la société Purple Labs, alors spécialisée dans les architectures matérielles et logicielles pour terminaux mobiles(2).    Des discussions avancées avec des fabricants de terminaux
  Réalisé en technologie Cmos, le circuit IR-UWB de BeSpoon, sur lequel la start-up ne souhaite pas donner de détails, embarque à la fois la chaîne RF et les fonctions numériques en bande de base. Il est conçu pour une intégration aisée aussi bien dans des smartphones que dans des décodeurs TV, dispositifs considérés par le Français comme, à terme, centres de géolocalisation idéaux pour les environnements résidentiels. La société a par ailleurs démontré que son circuit se conforme aux régulations strictes applicables au procédé IR-UWB tout en étant capable de fonctionner en vue optique jusqu’à 880 mètres (et jusqu’à 3641 mètres dans des situations d’urgence).   
Alors, à quand la disponibilité de téléphones mobiles équipés du circuit BeSpoon ? Jean-Marie André se garde bien d’avancer une date précise, mais affirme être en discussions avancées avec certains constructeurs de terminaux. « Pour les fabricants de téléphones, l’ajout d’une fonctionnalité décisive comme la localisation de précision en intérieur est, de toute façon, dans l’ordre des choses, indique le CEO de BeSpoon. Depuis le début des années 1990, le nombre d’interfaces radio implémentées dans un mobile augmente régulièrement. Tous les dix-huit mois apparaît une nouvelle antenne : GSM, FM, GPS, Bluetooth, Wi-Fi, NFC, LTE, etc. Dans ce cadre, l’intégration d’une interface radio dédiée à la localisation de précision nous apparaît comme la prochaine étape ! » Quoi qu’il en soit, BeSpoon envisage de procéder d’ici au printemps prochain à une première levée de fonds de l’ordre de 10 millions de dollars, somme qui pourrait être consacrée au lancement de la production de son circuit. Basée au Bourget-du-Lac, tout près de Chambéry, la société emploie directement et indirectement (via son laboratoire commun avec le CEA) plus d’une vingtaine de personnes. (1)Le procédé IR-UWB a également été retenu par BlinkSight, une autre start-up française focalisée sur la géolocalisation indoor (voir ci-dessous l’article que L’Embarqué a consacré à BlinkSight). (2)Purple Labs a fusionné en 2009 avec le suisse Esmertec pour donner naissance à la société Myriad Group.