"Les développeurs veulent de plus en plus valider leurs designs en amont grâce à la modélisation"

Alors que MathWorks va fêter ses 30 ans d'existence l'année prochaine, Philippe Foucault, le directeur général de Mathworks France, dresse pour L'Embarqué un rapide portrait de la société et décrypte quelques tendances importantes qui traversent le domaine de la conception des systèmes embarqués, où son logiciel Simulink, notamment dans les industries aéronautiques et automobiles, joue un rôle très important. ... 

Pouvez-vous d'abord nous dresser un rapide tableau de MathWorks aujourd'hui et de son implication dans le domaine des systèmes embarqués ? PHILIPPE FOUCAULT En quelques chiffres, MathWorks qui est une entreprise privée depuis sa création et qui n'est donc pas cotée en Bourse, c'est environ 3500 personnes dans le monde, avec un rythme d'embauche de quelque 500 personnes par an. C'est un chiffre d'affaires de l'ordre de 850 millions de dollars en 2012, c'est environ 40% du chiffre d'affaires réinvesti chaque année en recherche et développement, et c'est une offre technologique basée sur deux plateformes : MATLAB et Simulink. Bien que ces deux environnements de traitement et d'analyse des données s'adressent à de multiples industries, deux d'entre elles sont prédominantes pour la société : l'aéronautique et l'automobile, dans lesquelles les systèmes embarqués sont évidemment le cœur de l'activité. Mais MathWorks propose aussi des solutions dans les domaines de la finance, des systèmes d'automatismes industriels, des télécoms, des sciences du vivant, etc. avec une montée en puissance de MATLAB, dans tous les domaines d'activité qui nécessitent l'analyse de grands jeux de données, comme l'optimisation des réseaux de grid computing par exemple.   Dans le cadre des industries automobiles et aéronautiques qui utilisent principalement les technologies liées à Simulink, quelles sont les grandes évolutions que vous percevez dans le cycle de conception et de validation de codes embarqués ?
PHILIPPE FOUCAULT J'en vois plusieurs. La première est liée à la volonté, chez les équipes de développement, de valider un design via la modélisation bien avant l'intégration du code sur la cible. Au fond, il s'agit d'amener la conception le plus en amont possible et d'utiliser des modèles validés pour collaborer avec d'autres équipes. Dans ce cadre, la génération automatique de code devient une sous-tâche dans le cycle de conception, et n'est plus aussi primordiale que par le passé, puisque l'effort de validation et de vérification a été mené en amont. L'autre évolution porte sur une approche plus modulaire des conceptions. Il s'agit de développer des modèles et des fonctions plus génériques que par le passé, et de les décliner suivant les applications. En d'autres termes, il s'agit de réaliser des modèles configurables, de rationaliser les architectures logicielles pour, in fine, parvenir à baisser les coûts de design. Enfin, la certification reste un sujet très important dans ces industries. Dans l'aéronautique, bien évidemment, avec la norme DO-178C (pour laquelle, d'ailleurs, MathWorks a fait partie du groupe d'industriels en charge de son élaboration), mais aussi dans l'automobile avec l'ISO 26262, le médical ou les transports ferroviaires avec la norme EN 50128. Mais, là aussi, la tendance est de travailler plus en amont que par le passé et de mettre en œuvre des technologies de simulation à haut niveau de systèmes et sous-systèmes dans un contexte de certification, en intégrant notamment les exigences et les contraintes propres aux différents documents de certification. L'idée est que le cycle conception - validation - simulation, basé sur des modèles, diminue l'effort associé aux tâches de certification du code et à son implantation sur une cible physique. Avec, en parallèle, la volonté d'améliorer dans les phases de tests le taux de couverture de code, en associant différentes techniques de tests (property checking, preuves formelles, etc.).   Dans ce domaine des plateformes de développement et de simulation, le mouvement open source a-t-il un impact ? PHILIPPE FOUCAULT Bien entendu, nous regardons attentivement les évolutions dans ce domaine. Mais, dans les contextes industriels, là où les notions de validation et de certification sont primordiales, notamment avec Simulink, la mise en œuvre de solutions open source demeure marginale. Du côté de MATLAB, la pression est sans doute plus importante, mais là encore, dans des contextes industriels, la principale préoccupation des équipes de développement est de mettre en place des méthodologies de conception les plus efficaces possibles, capables de diminuer les temps consacrés à l'implantation du code, plutôt que de se tourner vers des solutions open source. Je voudrais aussi rajouter que ce débat autour de l'open source me semble moins présent en Europe et aux États-Unis qu'en France. Propos recueillis par François Gauthier