"Internet des objets spatial : quels seront les usages ?"

L'Embarqué Tribune Objenious

[TRIBUNE de Bernardo Cabrera, OBJENIOUS, et Philippe Cola, BOUYGUES TELECOM] Tandis que l’adoption de l’Internet des objets (IoT) se poursuit et s’accélère dans tous les secteurs industriels, une évolution majeure se prépare : l’IoT spatial. Grâce aux réseaux satellitaires, il permettra de connecter des objets et de remonter des données captées partout dans le monde, même dans des zones où les réseaux terrestres ne sont pas présents. Bernardo Cabrera, directeur d'Objenious, et Philippe Cola, senior architecte de la direction technique de Bouygues Telecom, analysent ici les conséquences de cette évolution. ...

Le monde du satellite comprend deux technologies majeures : la première, ce sont les satellites géostationnaires que nous utilisons tous indirectement lorsque nous regardons la télévision, surfons sur internet ou passons des appels téléphoniques. Ils se situent à une altitude de 36 000 km de la Terre et sont des engins très coûteux, avec un coût global situé entre 350 et 450 millions d’euros (pour le satellite proprement dit, le lancement, l'assurance et le maintien en conditions opérationnelles). La seconde catégorie qui émerge concerne des satellites plus légers. Placés en orbite basse, c’est-à-dire entre l’atmosphère et la ceinture de Van Allen à 2 000 km de la Terre, ces satellites permettent de connecter des objets présents sur des surfaces du globe difficiles à couvrir via les réseaux de télécommunication terrestres.

À la conquête de l’orbite basse

L’arrivée il y a une dizaine d’années des nanosatellites dont la masse est inférieure à 10 kg représente une véritable rupture technologique et une avancée décisive pour l’IoT spatial. Leur poids réduit permet d’abaisser les coûts de mise en orbite (en moyenne entre 500 000 euros et 1.5 million d’euros, lancement compris), rendant ainsi la technologie plus accessible. Par ailleurs, ces distances courtes diminuent les atténuations radio et réduisent la consommation énergétique des objets qui leur sont connectés. C’est précisément cette catégorie de satellites qui est aujourd’hui utilisée pour les besoins de l’IoT.

Plusieurs acteurs développent d’ores et déjà des constellations de nanosatellites pour offrir une connectivité IoT. C’est notamment le cas de Kinéis, projet français lancé en 2018 visant à lancer en orbite, à 650 km de la terre, 25 nanosatellites, en plus des 7 satellites Argos déjà fonctionnels.

L’IoT spatial en combinaison avec les réseaux terrestres

Alors qu'un tiers de la surface du globe est aujourd’hui couvert par les réseaux terrestres (5G/4G/3G/2G, LPWAN, etc.), l’IoT spatial permettra aux entreprises et aux populations situées dans les zones difficiles d’accès de bénéficier elles aussi d’un réseau IoT.

Les deux technologies satellitaires décrites plus haut (orbite géostationnaire et orbite basse) sont parfaitement complémentaires lorsqu’il s’agit de collecter les données provenant des objets connectés, mais elles ne sont pas parfaitement équivalentes. Avec l’IoT satellitaire, il est en effet aujourd’hui compliqué d’envoyer des informations vers les objets connectés. Dans ce cadre, la démocratisation des nanosatellites et la baisse des coûts qu’elle entraîne engendrent de nouveaux usages. L’IoT spatial vient ainsi répondre à des besoins de suivi d'actifs (tracking) ou encore d’amélioration de la chaîne logistique sur des zones jusque-là non traitées par les réseaux terrestres comme les océans, l’espace aérien ou des régions non couvertes par les réseaux terrestres. De plus, les réseaux satellitaires paraissent bien adaptés pour répondre aux besoins critiques de traçabilité des industriels dans des environnements parfois difficiles d’accès.

Les entreprises, tous secteurs confondus, pourront ainsi bénéficier d’offres IoT alliant réseaux terrestres et réseaux satellitaires pour répondre à l’ensemble de leurs besoins avec des performances optimales quelle que soit leur localisation.

Un marché en devenir

Tous les avantages des nanosatellites rendent cette technologie particulièrement attractive, et il existe aujourd’hui une vingtaine de projets de constellations de nanosatellites au niveau international. On peut donc imaginer qu’il y aura à l’avenir une consolidation du marché lorsque celui-ci gagnera en maturité.

Mais, s’il y a bien une chose sur laquelle s’accordent tous les spécialistes, c’est qu’il est difficile à ce jour de prédire à quoi ressemblera ce marché dans les prochaines années. Les besoins client sont bien présents sur différents secteurs, allant de l’industrie pharmaceutique au monde du transport ou de la logistique en passant par la recherche scientifique. Les premiers cas d’usage sont actuellement en cours et permettront d’avoir une meilleure visibilité sur les apports concrets pour chaque industrie.

Une chose est certaine, la technologie fonctionne parfaitement, cela ne fait aucun doute, et cela ouvrira de nouvelles opportunités commerciales pour les acteurs internationaux de l’IoT. Mais il faudra garder à l’esprit que, pour les clients, l’objectif reste de connecter les objets et de remonter les données de manière optimale – et ce indépendamment des moyens qui doivent être utilisés. Les experts en télécommunications devront donc prendre en charge la gestion automatique de telles solutions hybrides, entre réseaux terrestres et satellitaires.

L’idée est de combiner le meilleur des deux mondes tout en réduisant pour les clients la complexité technologique et les coûts, et d’optimiser la consommation énergétique globale garant d’un usage LPWAN/LPGAN (Low Power Wide Area Network / Low Power Global Area Network). L’enjeu est maintenant de proposer aux industriels des solutions simples, performantes et sur mesure pour répondre à leurs besoins et de pouvoir ainsi les accompagner sur cette nouvelle conquête spatiale avec des solutions hybrides.