Bag-Era apporte la notion de cohérence aux réseaux d’objets connectés

Bag-Era

A travers son environnement logiciel LINC qui assure la cohérence de systèmes composés de matériels, logiciels et services connectés en réseau, Bag-Era s’assure que l'ensemble ne se retrouve pas dans un état instable ou incohérent quand une panne ou un dysfonctionnement surviennent. A la clé : une robustesse accrue des applications industrielles en exploitation avec des équipements connectés à Internet...

Lorsque l’on évoque l’Internet des objets, c’est la notion de connectivité qui vient immédiatement à l’esprit, plus précisément la connexion à Internet. Or, si cette connexion peut souffrir de microcoupures ou de dysfonctionnements passagers dans le cas des objets grand public, il n’en est pas de même pour des systèmes industriels. Car Internet peut se définir comme un système distribué asynchrone dans lequel « il est difficile de prendre une décision cohérente lorsqu’une panne intervient », explique Eric Cheminot, l’un des deux fondateurs, avec François Pacull, de la jeune société grenobloise Bag-Era, créée en août 2016.

Assurer le bon fonctionnement d’un ensemble d’équipements connectés en réseau malgré les défaillances qui peuvent intervenir sur l'infrastructure ou sur les composants matériels et/ou logiciels connectés, tel est en effet l’objectif que s’est fixé Bag-Era avec sa solution logicielle originale, basée sur un cœur technologique développé depuis plus de vingt ans sein du CEA-Leti. La plate-forme logicielle LINC de la société vise de fait à assurer le bon fonctionnement de systèmes distribués hétérogènes critiques, même en cas de dysfonctionnements. Au cœur de la solution se trouve la technologie LINC qui peut se définir comme un ensemble de règles qui agissent sur des ressources, ces dernières étant des objets du monde physique, des machines, des capteurs, voire des systèmes complets comme des voitures.

Trois paradigmes

L’environnement LINC s’appuie sur trois paradigmes : la mémoire associative, les règles de production et des transactions distribuées. Le premier consiste à représenter un système sous la forme de “sacs” contenant des ressources manipulées par trois types d’opérations : rd() pour la vérification de présence de ressources, get() pour la consommation des ressources et put() pour l’insertion de ressources. Le second paradigme, les règles de production exécutées par un moteur d’inférence, utilise ces trois opérations pour vérifier un certain nombre de conditions et s'assurer que le système avec son ensemble fini d’objets est cohérent. Enfin, les transactions sécurisées sont utilisées pour assurer la vérification des conditions et la mise à jour de l’état du système. La combinaison de ces trois paradigmes permet, selon Bag-Era, de garantir qu’un système passe soit d’un état cohérent à un autre état cohérent, soit qu’il reste dans son état actuel, lui aussi cohérent. « L’idée est de faire fonctionner un système distribué avec des objets connectés en dépit de pannes ou de dysfonctionnements qui peuvent survenir, et ainsi d’éviter le redémarrage, une solution souvent utilisée bien que souvent complexe dans le monde industriel, lorsque l’on ne sait plus quel est l’état exact du système », résume Eric Cheminot.

En somme, la brique logicielle de Bag-Era peut se voir comme l’introduction, sur une architecture existante, d’un réseau virtuellement synchrone qui adresse un groupe d’objets, de machines, d’équipements, présélectionnés. Une réflexion et un raisonnement proches de ceux utilisés dans le monde des automatismes industriels, mais appliqués ici à un réseau distribué d’objets connectés. D’autres approches existent sur le marché comme par exemple la technologie Ethernet TSN (Time-Sensitive Networking). Mais à la différence de LINC qui s’insère dans un réseau en apportant ses propriétés de contrôle, ces technologies concurrentes obligent à une adaptation des équipements connectés.

Une double originalité

On le voit, l’approche de Bag-Era s'appuie sur une double originalité. Sa technologie LINC s’intègre dans des architectures réseau existantes, dans laquelle elle choisit un groupe d’objets à maintenir dans un état toujours cohérent. Et elle est efficiente pour des groupes d’objets hétérogènes connectés dans un réseau distribué. Concrètement, « le contrôleur qui gère les transactions LINC peut tourner sur une carte Raspberry Pi et deux/trois cartes de ce type peuvent suffire à contrôler un bâtiment intelligent », souligne Eric Cheminot.

Bag-Era a déjà expérimenté son approche sur des cas concrets, comme le pilotage optimisé de la consommation d’énergie d’un bâtiment en couplant l’analyse du fonctionnement d’un groupe de chauffage/ventilation/climatisation avec le système de surveillance. La start-up a aussi testé la gestion d’un équipement d’analyse biologique, la coordination d’une passerelle multiprotocole (Wi-Fi, 3G, Sigfox) dans le cadre de la surveillance d’un ouvrage de génie civil, ou encore la gestion optilisée d'un parking (illustration ci-dessous). Avec, à chaque fois, l’insertion d’une connexion LINC sur une architecture déjà existante et opérationnelle.

Installé au sein de la pépinière d’entreprises du Tarmac à Meylan (près de Grenoble), Bag-Era compte quatre collaborateurs et vise dans un premier temps les marchés de l’industrie et des bâtiments intelligents qui intègrent l’Internet des objets. L’objectif à moyen terme est de vendre sous licence la technologie LINC. Mais pour le moment Bag-Era va s’employer à promouvoir son approche et faire un travail d’ingénierie classique auprès d’utilisateurs intéressés, avant de basculer dans un second temps vers un modèle de développement de type éditeur de logiciels. A plus long terme, la société ne s’interdit pas non plus de commercialiser sa technologie, via des accords de partenariat, sous la forme de modules prêts à l’emploi.