"Santé connectée et e-santé : la sécurité est au cœur des enjeux"

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[TRIBUNE by Stéphane Quetglas, GEMALTO] Les réticences des Français envers la santé connectée reposent sur la crainte que le secret médical et la confidentialité de leurs données ne soient pas assez sécurisés. Pour cela, il est nécessaire que la sécurisation des données personnelles de santé soit pensée à échelle nationale voire européenne avec une norme claire et définie, explique Stéphane Quetglas, directeur marketing pour l’Internet des objets chez Gemalto. ...

Aujourd’hui plus que jamais, la santé fait partie des préoccupations quotidiennes des Français. Et pour cause : les problématiques budgétaires liées au devenir de la sécurité sociale (7,2 milliards de déficit dont 4,1 milliards pour la branche assurance maladie en 2016), les déserts médicaux (initiés par la hausse de l’urbanisation), la remise en cause de la disponibilité des soins apportés dans les hôpitaux, et une population de plus en plus vieillissante amènent les pouvoirs publics à chercher des solutions. Le président Emmanuel Macron a exprimé à maintes reprises son souhait de débloquer un plan d’investissement de 5 milliards d’euros destiné à moderniser en profondeur le secteur médical. Depuis son élection, le gouvernement encourage les entrepreneurs à concevoir de nouvelles technologies pour développer l’e-santé afin d’améliorer durablement la santé des citoyens tout en réduisant les coûts de l’assurance maladie.

L’e-santé ou la santé 3.0, qui peut être décrite comme le mariage entre les nouvelles technologies, les professionnels de santé et les patients, est déjà un domaine dynamique qui ne cesse de se développer en France. Ce marché est évalué à 4 milliards d’euros pour la France d’ici 2020 (*). Près de 100 millions d’euros ont été investis dans le secteur de l’e-santé et du bien-être en 2016, ce qui en fait l’un des secteurs les plus attractifs de l’année.

La France parmi les pays "moyennement avancés"

A l’origine, la France est le pays précurseur en matière de numérisation du système de santé. La diffusion de la première carte Vitale en 1998 (qui va bientôt fêter ses 20 ans d’existence) permet à des millions de Français une gestion automatisée de leurs facturations de prestations de soins et un remboursement plus rapide de leurs frais médicaux. Et pourtant aujourd’hui, l’Hexagone est classé parmi les pays « moyennement avancés » avec un niveau de déploiement de l’e-santé encore peu satisfaisant, qui le place loin derrière le Royaume-Uni, L’Espagne et les Etats-Unis. Etonnant pour un pays qui a des atouts considérables, fort de sa médecine et de son système de soins.

L’e-santé offre pourtant de nouvelles opportunités comme la télémédecine, qui permet aux patients de bénéficier d’une consultation médicale à distance (en visioconférence) avec un ou plusieurs professionnels de santé (diagnostic, bilan de santé, suivi médical, etc.). La télémédecine est particulièrement bien adaptée pour répondre à la problématique des déserts médicaux en permettant non seulement le diagnostic à distance mais également une meilleure hospitalisation à domicile (télésurveillance) pour des suivis de maladies chroniques (cardiaque, diabète…). Elle est aussi adaptée dans la prise en charge d’un AVC ou encore pour le suivi en continu des soins. Sur ce dernier point, l’installation d’équipements connectés au domicile du malade permet de fournir en permanence aux médecins des informations sur l’état de santé du patient.

Les nouvelles technologies très poussées de ces appareils – miniaturisés à l’extrême avec des batteries allant jusqu’à 10 ans de durée de vie – rendent l’objet très peu intrusif dans le quotidien des patients qui l’adoptent rapidement. La télésurveillance apporte aussi un confort non négligeable aux personnes âgées qui se sentent souvent mieux à leur domicile que dans des maisons de retraite. Par exemple, la société OnKöl a lancé en septembre 2017 un boitier intelligent prêt à l’emploi qui informe la famille du patient et les soignants de tous les détails des signes vitaux aux urgences, en passant par les rappels de prise de médicaments. Les données collectées sont chiffrées avant d’être transmises via le réseau mobile vers les professionnels de santé. Aux Etats-Unis, des appareils de lutte contre l’apnée du sommeil sont eux aussi connectés pour vérifier que le traitement est efficace et l’ajuster si nécessaire. La mise en place des systèmes d’informations de santé (SIS) ou hospitaliers (SIH) facilitent en outre les échanges de données et les dossiers médicaux numériques des patients entre le médecin, l’hôpital et la sécurité sociale.

Des citoyens français favorables à l'e-santé

Les citoyens français se montrent en grande majorité favorables au développement de nouvelles technologies liées à l’e-santé, notamment à la transmission électronique de leurs résultats d’examen médicaux entre professionnels de santé (87%), au renouvellement d’ordonnances à distance (84%) et à la réception de leurs données médicales ou de leurs résultats d’examen sous format électronique (81%). Malheureusement le projet de Dossier médical partagé (DMP) lancé initialement en 2004 sous le nom de Dossier médical personnalisé, qui devait placer la France en tête, est loin de répondre aux attentes. En effet, le déploiement a été très faible, freiné par des problèmes techniques et une absence d’incitation des médecins généralistes qui doivent supporter le coût de mise à jour du DMP de chaque patient sans véritable contrepartie.

L‘autre frein au développement de l’e-santé réside dans la crainte des patients que le secret médical et la confidentialité de leurs données ne soient pas assez sécurisés. Cette crainte concernant la sécurité atteint 41% des personnes interrogées et 50% chez les jeunes. Si la France est mature d’un point de vue politique et citoyens pour développer l’e-santé, il lui manque encore un cadre sécuritaire bien établi pour que cet écosystème voie le jour. La multiplication des cyberattaques d’envergure mondiale (Wannacry, NotPetya, Botnet Mirai) ces deux dernières années est révélatrice des failles encore existantes et invite à ne prendre aucun risque, surtout à l’échelle de données personnelles et privées, concernant des millions de citoyens.

La sécurité des données passe par l’utilisation de technologies de chiffrement qui doivent être accompagnées de moyens de mises à jour régulières afin de faire face aux évolutions constantes des cyberattaques. La sécurité du système de santé, système dit « critique », doit donc être pensée dans sa globalité et « de bout en bout », de l’appareil de santé au stockage, usage et partage des données générées. Pour assurer le bon fonctionnement d’un système de santé connectée dans son ensemble, il est indispensable de garantir l’efficience des nouvelles technologies et la protection des données sensibles qu’elles contiennent. Pour cela, il est nécessaire que la sécurisation des données personnelles de santé soit pensée à échelle nationale voire européenne avec une norme claire et définie.

Mettre en place une infrastructure fiable

En effet, l’Union européenne a défini un plan pour la santé au sein du marché unique numérique qui se focalise sur 3 objectifs prioritaires : permettre l’accès sécurisé et l’utilisation des données de santé par les citoyens sans frontière à l’intérieur de l’Europe, aider à la mise en place d’une infrastructure de données européenne pour faire avancer la recherche et les soins personnalisés, et enfin faciliter échanges et interactions entre les patients et les prestataires de santé. L’essentiel à retenir est que tout est là : la volonté d’un Etat, l’attente d’une population, la technologie. L’e-santé a aujourd’hui tous les ingrédients pour révolutionner notre système de santé et proposer des services plus adaptés à notre ère digitale. Il s’agit maintenant que tous les acteurs collaborent efficacement pour mettre en place une infrastructure fiable en collaboration avec l’UE pour que la France bénéficie des énormes avancées que l’Internet des objets rend possibles tout en garantissant une sécurisation sans faille des données personnelles des patients.

(*) Les données sont issues du baromètre santé Ifop-Deloitte, 2015.